Acquittement pour un CRS qui était jugé pour avoir éborgné un manifestant en 2016

Un policier de 54 ans était jugé depuis lundi devant la cour d'assises de Paris pour avoir éborgné un syndicaliste durant une manifestation, en 2016, en faisant usage d'une grenade à main de désencerclement (GMD). Il a finalement été acquitté ce mercredi soir.
Acquittement pour un CRS qui était jugé pour avoir éborgné un manifestant en 2016
Illustration. (Franck Fife / AFP)
Par Actu17 avec AFP
Le mercredi 14 décembre 2022 à 18:16 - MAJ mercredi 14 décembre 2022 à 22:36

La cour d'assises de Paris a acquitté mercredi soir un CRS jugé pour avoir lancé une grenade qui a éborgné un syndicaliste lors d'une manifestation en 2016, une décision rendue dans une ambiance houleuse et aux cris de "Police partout, justice nulle part".

Après trois heures et demi de délibéré, la cour a estimé que le brigadier-chef de 54 ans, Alexandre M., pouvait bénéficier d'une cause d'irresponsabilité pénale, ayant agi en état de légitime défense. Alors que la présidente de la cour Catherine Sultan tentait de poursuivre la lecture du délibéré, une clameur s'est élevée dans le public, où s'étaient massés les soutiens du syndicaliste Laurent Theron, qui a définitivement perdu l'usage de son œil droit.

Partie civile au procès, ce secrétaire hospitalier et militant du syndicat Sud-Santé de 53 ans a immédiatement pris le chemin de la sortie, ses soutiens continuant à scander en direction de la cour et des jurés "Honte sur vous", "Impunité permanente".

Alexandre M. est sorti avec son avocat Laurent-Franck Liénard par une petite porte. "Ce verdict est un vrai soulagement pour notre client qui était poursuivi depuis six longues années. C'est une décision juste et conforme au droit", a réagi auprès de l'AFP Me Liénard. Le CRS a toujours défendu un tir "légitime", en réaction aux jets de projectiles de "groupes hostiles" sur la place de la République à Paris ce 15 septembre 2016, alors qu'il dispersait avec sa compagnie un cortège d'opposants à la loi travail.

Sursis requis

Laurent Theron "ne représentait aucun danger", il avait "les mains dans les poches" quand il a reçu au visage un galet d'une grenade à main de désencerclement (GMD), a rappelé son avocate Lucie Simon, dénonçant "une décision de pure émotion". "On n'est pas allé du côté du droit, on est allé du côté de la peur, du sensationnalisme", a-t-elle vilipendé.

L'accusation avait demandé à la cour de reconnaître Alexandre M. coupable de violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une infirmité permanente, considérant que le policier n'était ni "en danger imminent" ni en "état de légitime défense". L'avocat général Christophe Auger avait requis deux à trois ans d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'une interdiction de port d'arme pendant cinq ans. Il n'avait toutefois pas sollicité la révocation du CRS, comme réclamé par la partie civile.

Les faits s'étaient produits ce jour-là à 16h53, au terme d'une manifestation marquée par des heurts et l'embrasement d'un policier touché par un cocktail Molotov. Au moment du jet de grenade à main de désencerclement, une arme dangereuse et réglementée aujourd'hui retirée de l'arsenal du maintien de l'ordre, "le climat est beaucoup moins tendu", a soutenu le représentant du ministère public. "Une grenade de désencerclement, c'est quand on est encerclé, quand on est pris à partie de façon précise. Elle n'est pas faite pour disperser à n'importe quel prix une foule", a-t-il appuyé.

«Castrer tous les CRS»

Alexandre M., qui venait de rejoindre sa compagnie après vingt ans en poste en commissariat de nuit, n'était ni formé au maintien de l'ordre ni habilité au lancer de GMD, a rappelé le magistrat. Le brigadier-chef a insisté sur le climat de "déchaînement de violences" de la part d'une "nébuleuse" qui avait, toute la journée, "tenté de tuer des policiers". Il a toujours affirmé avoir reçu un projectile sur le bras, et entendu avant son lancer un "bruit de verre" qu'il a assimilé à un jet de cocktail Molotov qui a "raté" sa cible.

Cette "menace" perçue par Alexandre M. ne pouvait justifier qu'il utilise cette grenade, a considéré l'avocat général, pour qui il n'y avait "pas de danger imminent" pour le CRS. "J'ai voulu protéger mes hommes", a martelé à la barre le policier en défendant "l'absolue nécessité" de son tir, admettant seulement avoir "raté" son geste, la grenade n'ayant pas pris la "bonne direction".

"Je pense que la société se tire une balle dans le pied en demandant la condamnation" du CRS, avait répliqué Me Liénard. Le condamner, "c'est castrer tous les CRS", "ils ne pourront plus utiliser de grenades".