Le samedi 28 janvier 2023 à 00:38 - MAJ samedi 28 janvier 2023 à 00:53
La cour d'assises d'appel de Corse-du-Sud a condamné vendredi Bruno Garcia-Cruciani à la réclusion criminelle à perpétuité pour le féminicide de son ex-compagne et mère de ses enfants, Julie Douib, en 2019, qui avait suscité une vague d'indignation en France.
"La cour vous condamne à la majorité de huit voix au moins à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans", a indiqué la présidente à Bruno Garcia-Cruciani, 46 ans. La cour a reconnu coupable l'accusé d'assassinat et a écarté l’altération du discernement plaidée par la défense.
A l'énoncé du verdict, Bruno Garcia-Cruciani est resté imperturbable dans le box. La famille Douib a, elle, laissé percer son soulagement. Cette condamnation correspond aux réquisitions de Catherine Levy, l'avocate générale. "C'est une exécution pure et simple", avait martelé la magistrate, rappelant qu'il "a traqué" la jeune femme de 34 ans avant de la tuer par balle le 3 mars 2019 à l'Ile Rousse, en Corse. "Le seul fait de se présenter à la porte de quelqu'un avec une arme chargée constitue la préméditation", avait-elle également insisté.
Pour souligner encore cette préméditation, elle a égrainé les recherches sur internet effectuées avant les faits par l'accusé sur la "peine pour homicide" ou comment "partir vivre en Thaïlande". Circonstances également aggravantes, la vente de ses véhicules et le fait d'avoir confié les passeports des enfants à sa "tata de cœur" avant les faits.
Des éléments de préméditation que Me Gilles Antomarchi et Me Jean-Paul Eon, en défense, se sont attelés à démonter. Ils ont aussi défendu la thèse d'un premier tir accidentel, concédant un deuxième tir volontaire mais "pas d'exécution". Quant à la peine de perpétuité requise, "c'est la peine des tueurs en série", s'est indigné Me Antomarchi, dénonçant la pression de "la médiatisation".
«Rien ne l'arrête»
L'avocate générale a ensuite rappelé les menaces de mort proférées par l'accusé lors de sa détention après la mort de Julie Douib, contre des amies de la jeune femme, un entraineur de sport qu'elle fréquentait et son père. "Rien ne l'arrête, même en détention", a résumé Mme Levy.
Un état d'esprit belliqueux de l'accusé, avant, pendant et après les faits, que ses avocats ont attribué à sa consommation d'anabolisants stéroïdiens pouvant susciter "une paranoïa" et des "explosions de violences". Ils ont demandé aux jurés, en vain, de retenir "une abolition du discernement". Plus tôt, Me Francesca Seatelli, avocate des deux fils de 12 et 14 ans du couple, avait appelé la cour à les "protéger de leur père", décrivant des garçons "terrifiés à l'idée que leur père sorte de prison et vienne les chercher".
Bruno Garcia-Cruciani, "un homme dangereux", a "constamment utilisé" ses enfants "comme un propriétaire" et veut "les récupérer pour lui, pas pour eux", a souligné l'avocate, assénant qu'il a fait d'eux "à perpétuité des fils d'assassin, à jamais des orphelins". Elle a demandé à la cour de leur dire, par son jugement, "que ce n'est pas leur faute".
«Je demande pardon»
"Je voudrais avoir un mot pour Julie", a dit vendredi soir Bruno Garcia-Cruciani avant que la cour ne se retire. "J'ai enlevé la vie de Julie", "la mère de mes enfants" et "je demande pardon", "je m'en excuse". Il a également "demandé pardon à la famille Douib", et concernant Lucien Douib, le père de Julie, il a dit : "S'il s'est senti menacé, je m'en excuse". "Je ne suis pas allé pour enlever la vie de Julie", a-t-il aussi répété, rejetant la préméditation. Quant à ses enfants, "je serai toujours là pour eux et je les laisserai jamais", a-t-il conclu en s'excusant.
Pour Jean-Sébastien De Casalta, l'un des trois avocats de la famille Douib, "c'est le procès d'un féminicide devenu symbole", a-t-il lancé, qualifiant l'accusé de "voleur de vie", "voleur de rêves" et "voleur d'amour".
Électrochoc social, ce crime, le 30e féminicide sur 149 en 2019 en France, avait suscité une vague d'indignation dans le pays, entraînant l'organisation par le gouvernement d'un "Grenelle" sur les violences faites aux femmes.
En première instance, l'accusé avait été condamné à la perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans et de la privation de son autorité parentale.