Le mardi 5 juillet 2022 à 12:31 - MAJ mardi 5 juillet 2022 à 16:09
Jean-Marc Reiser a été condamné mardi par la cour d'assises du Bas-Rhin à la peine maximale qu'il encourait pour l'assassinat de l'étudiante Sophie Le Tan en 2018, la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté.
Cette condamnation est conforme aux réquisitions. A l'énoncé du verdict, Jean-Marc Reiser, un multirécidiviste de 61 ans qui faisait face à son 5e jury d'assises après une condamnation pour deux viols en 2003, est resté stoïque, les mains dans le dos, regardant le sol.
La famille de Sophie Le Tan, dont tous les membres étaient présents pour le dénouement de ce procès, est restée impassible. Pour la première fois depuis huit jours, la mère de Sophie s'est exprimée devant la presse, après le verdict. Traduite du vietnamien, elle a remercié la cour "d'avoir rendu justice à Sophie".
"La perte de Sophie n'est pas mesurable, la douleur restera immense, on devra vivre avec, notre vie sera hantée par l'horreur de la perte de Sophie mais, en parallèle, on est satisfait de la peine prononcée", a déclaré Thi Huong Le Tan. "On est rassuré de savoir qu'il ne fera plus aucun mal à aucune autre femme, à aucune autre famille, et on espère vivement que l'affaire de Sophie servira de prise de conscience générale sur le cas des récidivistes : si Sophie n'avait pas croisé le chemin de ce multirécidiviste, elle serait encore en vie, à nos côtés", a-t-elle ajouté.
Les parents ont ensuite étreint leurs avocats, avant que la mère ne s'effondre en sanglots dans les bras de proches.
«Grosse claque»
Jean-Marc Reiser dispose désormais de dix jours pour interjeter appel de sa condamnation, ce qui n'étonnerait pas Me Gérard Welzer, avocat de la famille Le Tan, puisque le sexagénaire "a montré qu'il était très procédurier".
"On va prendre le temps de la réflexion, je m'en entretiendrai avec Jean-Marc Reiser au courant de la semaine prochaine", a indiqué l'un de ses avocats, Me Xavier Metzger.
Autre avocat de la défense, Me Pierre Giuriato a évoqué une peine "trop forte" qui a sonné comme une "grosse claque dans la figure" de Jean-Marc Reiser. Mais "la sanction est à la hauteur de la souffrance de la famille de Sophie", a-t-il reconnu.
Avant que les jurés ne partent délibérer pendant deux heures, M. Reiser, dans une dernière longue prise de parole, avait souhaité "un verdict équitable, juste, non pas une exécution judiciaire sommaire". "Dans cette fureur que je ne m'explique toujours pas aujourd'hui, il n'y avait rien de prémédité (...) je n'avais rien contre elle", a-t-il poursuivi.
Les six jurés, quatre hommes et deux femmes, et les trois juges, ont répondu oui aux deux questions essentielles qui leur étaient posées : Jean-Marc Reiser a-t-il volontairement tué Sophie Le Tan, dont le squelette incomplet n'a été retrouvé qu'en octobre 2019, plus d'un an après sa disparition ? Et a-t-il prémédité le crime qui lui est reproché ?
Cette question de la préméditation était tout l'enjeu du procès. M. Reiser a reconnu à l'audience, comme il le fait depuis janvier 2021, après deux ans et demi de dénégations, avoir tué Sophie. Mais il a continué de nier lors du procès toute volonté homicide et toute préméditation.
«Justice et vérité»
Lui et ses trois avocats l'ont martelé : c'est un "hasard regrettable" qui a mis Sophie Le Tan sur sa route lorsqu'elle est allée visiter son appartement le 7 septembre 2018. En repoussant ses avances, elle l'a mis dans un "état de fureur" incontrôlable, a-t-il affirmé, expliquant alors l'avoir rouée de coups jusqu'à ce qu'elle chute. Puis il a découpé son corps et l'a dissimulé en forêt. L'état du corps de Sophie Le Tan n'a pas permis de déterminer les causes de son décès.
Ce scénario de la "rencontre fortuite" et du "pétage de câble" a donc été rejeté. Les fausses annonces et les multiples lignes téléphoniques ouvertes sous de fausses identités afin de piéger de jeunes étudiantes ont sans doute pesé lourd dans la décision des jurés. "La cour d'assises n'a pas eu le courage du doute", a regretté Me Xavier Metzger.
La mère de Sophie Le Tan a également espéré que la famille de Françoise Hohmann, présente chaque jour au procès, trouverait à son tour "justice et vérité". Cette jeune VRP a disparu en 1987 après avoir sonné chez Jean-Marc Reiser, acquitté faute de preuves en 2001. Depuis, une information judiciaire "contre X" a été rouverte.