Le jeudi 22 août 2024 à 19:15
Le directeur de l'hebdomadaire Oise Hebdo a été condamné à 4000 euros d'amende dont 2000 euros avec sursis ce jeudi, par le tribunal de Compiègne (Oise). Vincent Gérard était jugé pour avoir publié sur le site internet du média qu'il dirige, le 6 juillet 2023, un article dans lequel était mentionné l'identité et la commune de résidence du policier Florian M., auteur du tir qui a mortellement neutralisé Nahel Merzouk, 17 ans, lors d'une intervention pour un refus d'obtempérer à Nanterre (Hauts-de-Seine), quelques jours plus tôt. Une photo du brigadier de 38 ans était également présente dans cet article.
Oise Hebdo avait publié cet article alors qu'une importante vague d'émeutes touchait le pays, en lien avec le décès du jeune Nahel. Suite à cette publication, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait saisi le procureur de la République de Compiègne, qui avait alors ouvert une enquête en vertu de l'article 223-1-1 du code pénal.
«Arme par destination»
"Ces révélations ont eu des conséquences sur le policier et sa famille", a assuré l'avocat du policier, Me Laurent-Franck Lienard, durant l'audience, rapporte Le Parisien. "Il était en détention et chaque demande de remise en liberté a été refusée à cause de cet article. Sa femme et son enfant de 5 ans ont dû être placés sous protection". Vincent Gérard devra, en outre, verser 1000 euros de dommages et intérêts au policier.
Le procureur de la République a qualifié l'article de Oise Hebdo d'"arme par destination", mettant en danger le fonctionnaire ainsi que sa famille.
Le prévenu va faire appel
Vincent Gérard a annoncé son souhait de faire appel de cette décision de justice, dans un article de Oise Hebdo. "Sur le fond, l’information était légale. Les habitants de l’Oise ont le droit de savoir qu’ils avaient dans le département l’homme qui était à l’origine de troubles uniques en France et qui faisait l’objet d’appels à la violence", explique le prévenu. "Je rappelle que des sites internet, violents, d’ultra-gauche, anti-police avaient donné l’identité et l’adresse précise du policier qui a tué (et qui reste présumé innocent) Nahel Merzouk. Avec le nom et le numéro de la rue, Oise Hebdo se contentant de nommer la ville d’origine".
Satisfaction des syndicats de policiers
"Cette condamnation est une première. Elle rappelle qu'il n'est pas permis de mettre en danger la vie des agents qui servent l'État puis se cacher derrière la liberté de la presse", se félicite Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat Un1té, sur X. "Il n'y avait aucun intérêt pour le droit d’informer à pratiquer ce 'doxing' (le fait de publier en ligne des informations privées d'une personne, ndlr) et révéler des éléments qui ont littéralement exposé la conjointe et l'enfant du policier".
C’est historique ! Le journal Oise Hebdo, qui avait révélé et communiqué le patronyme et le domicile de notre collègue mis en cause dans « l’affaire Nahel » en 2023, vient d’être condamné par le Tribunal Judiciaire de Compiègne.
Il y a un an, le syndicat UN1TÉ avait demandé au…
— Linda Kebbab (@LindaKebbab) August 22, 2024
"Cette condamnation envoie un message hautement symbolique envers celles et ceux qui jettent en pâture les policiers à la vindicte populaire, et de surcroît en bafouant la présomption d’innocence", souligne Éric Henry, délégué national du syndicat Alliance Police Nationale. "Cet acte était digne d'une folie criminelle, en exposant non seulement notre collègue, mais également sa famille et ses proches. L'anonymisation, la protection pénale, civile, fonctionnelle et familiale, sont des revendications portées de longue date par notre organisation syndicale".
"Il s’agit d’une décision que nous considérons comme pleinement justifiée", réagit également Marc Hocquard, secrétaire général adjoint du syndicat UNSA Police. "La publication de l'identité et de la commune de résidence de notre collègue a constitué une mise en danger inacceptable pour sa famille. Nous tenons à rappeler que la divulgation des informations personnelles et de surcroît, dans un moment de fortes tensions, peut avoir des conséquences dramatiques. Au travers de cette condamnation, le tribunal a reconnu la gravité des faits. L’UNSA Police souligne que la liberté de la presse ne saurait justifier certaines dérives qui plus est lorsque celles-ci portent atteinte à l'intégrité et la dignité d'autrui".