Le mercredi 16 avril 2025 à 16:49 - MAJ mercredi 16 avril 2025 à 17:16
C'est un mouvement de grogne inédit qui a débuté lundi dans les brigades de recherche et d'intervention (BRI) partout en France. Les policiers de ces 17 unités d'élite appartenant à la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) réclament une prime spécifique qui correspond à leur spécialité et à leur investissement nuit et jour, dans le cadre de leurs missions qui sont multiples et souvent dangereuses. Une réunion s'est déroulée la semaine dernière au ministère de l’Intérieur, en présence de Bruno Retailleau, mais n'a pas permis aux policiers d'être rassurés. Depuis lundi, une "grève du zèle" a débuté, l'objectif étant d'envoyer un message d'alerte à la place Beauvau. Un rassemblement a également eu lieu ce mercredi à midi, à Nanterre (Hauts-de-Seine).
"C'est avant tout une prime de technicité et de disponibilité que l'on réclame", assure un policier affecté dans une BRI. "Nous n'avons pas d'horaire, on peut être réveillé la nuit à n'importe quelle heure et devoir partir dans les cinq minutes, alors même qu'on est rentré à 23 heures à la maison à la fin de notre journée de travail. On fait beaucoup d'interpellations liées au banditisme, ce sont des dossiers qui demandent du temps, de l'investissement personnel et des sacrifices sur un plan familial".
Les affaires "sorties" par ces policiers sont nombreuses. Récemment, ceux des BRI Nationale et de Versailles se sont illustrés dans l'affaire Amra avec le résultat que l'on connait : l'interpellation du narcotrafiquant à Bucarest (Roumanie) le 22 février et la mise en examen de 27 suspects, en plus du fugitif. Les investigations, les missions de surveillance, de recherche et d'identification, ont été nombreuses au cours des neuf mois de cavale de Mohamed Amra, jusque dans le sud de l'Espagne avec l'appui des policiers locaux. Quelques jours après l'interpellation du narcotrafiquant, les policiers de la BRI Nationale ont appuyé les policiers belges afin d'interpeller Antonio Ferrara et ses sept complices, en Belgique, alors qu'ils s'apprêtaient à attaquer un centre-fort en Allemagne. Le résultat de longs mois d'investigations intensives des policiers français.
«Il peut nous arriver de travailler 48 heures non stop avec seulement quelques heures de sommeil improvisés»
"Aujourd'hui, il faut que l'on puisse reconnaître notre qualification qui est spécifique aux BRI", poursuit le même policier. "Nous avons des tests de sélection comme d'autres services comme le RAID ou la BRI-PP. Actuellement, nous ne touchons ni la prime voie publique, ni aucune autre. Nos collègues en police-secours font un travail très difficile au quotidien mais quand ils ont fini leur journée, ils ont vraiment fini. Ils touchent la prime voie publique. En BRI, nous avons des astreintes, en plus des contraintes liées à notre spécialisation. Bien sûr, nous sommes passionnés par notre métier, mais on aimerait aussi avoir de la reconnaissance".
Selon plusieurs policiers que nous avons interrogés, la filière BRI n'attire plus. "Plusieurs BRI en province ont souhaité recruter ces derniers mois, il n'y a eu que très peu de candidats, parfois aucun", détaille l'un des fonctionnaires. "Mais d'un autre côté, nous n'avons pas d'horaire, notre téléphone reste toujours allumé et il peut nous arriver de travailler 48 heures non stop avec seulement quelques heures de sommeil improvisés. La vie de famille est directement affectée. Forcément, ça n'attire pas tout le monde et c'est aussi pour cela que l'on réclame cette prime spécifique depuis dix ans maintenant. On a du mal à attirer, tout comme le reste de la filière police judiciaire avec ses horaires à rallonge".
Ce lundi, les policiers des 17 BRI ont décidé de débuter une "grève du zèle". "Désormais, on fait nos horaires réglementaires, nos 8 heures par jour, et en dehors de nos jours de permanence (d'astreinte, ndlr), on laisse les clefs des voitures de service au travail. Donc pas de retour au service pour dépanner et filer des coups de main comme on le fait très régulièrement", expose un policier. "Idem pour les opérations lorsqu'elles ne sont pas prévues 24 heures à l'avance. Ce mouvement est symbolique, mais on souhaite être entendu et surtout que l'on prenne la mesure des efforts et du travail que l'on réalise au quotidien".
«Amra et Ferrara ? Ce n’est pas un coup de chance, c’est le travail de la BRI»
"Le RAID et les BRI sont des hommes extraordinaires, mais payés comme des policiers ordinaires. Ni mieux considérés, ni mieux reconnus", expose Vincent Hergott, délégué national du syndicat Alliance Police Nationale, en charge des BRI, du RAID et du déminage. "Pourtant, leur engagement, leur technicité, leur disponibilité et leur efficacité sont les clés de résultats incroyables. Amra et Ferrara ? Ce n’est pas un coup de chance, c’est le travail de la BRI. Le démantèlement d'un drop-off de 800 kg de stupéfiants ? Encore une opération menée par ces professionnels de l’ombre, RAID et BRI au service de tous, jour et nuit, sans relâche".
"Alliance Police Nationale propose une réponse claire, réaliste et juste", poursuit Vincent Hergott. "Un projet complet et technique de cadre réglementaire qui prévoit une revalorisation de la prime RAID, gelée depuis 20 ans, et la création d’une prime spécifique pour les BRI, jusqu’ici oubliées. Le coût ? 10 millions d’euros. Les avoirs criminels saisis en 2024 ? 1,6 milliard".
«La bonne volonté gratuite des agents à ses limites»
"Depuis 10 ans, Un1té pose le dossier prime BRI sur le bureau de chaque ministre, avec le sentiment régulier que ça va aboutir mais non", assure Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat policier. "Un1té organise à midi une manifestation avec les collègues BRI devant leur service. D'ailleurs, depuis quelques jours, ils ont décidé de faire strictement appliquer l'APORTT (Arrêté portant sur l'organisation relative au temps de travail, ndlr) : cesser de rentrer chez eux avec la voiture de service pour intervenir à toute heure de la nuit. La bonne volonté gratuite des agents à ses limites".
«Les astreintes "sauvages" ont un réel impact sur la vie familiale et ne sont pas compensées»
"Cette prime, c'est une revendication portée depuis plusieurs années", rappelle Loïc Walder, délégué national du syndicat UNSA Police. "Lors de la dernière audience avec le ministre de l'Intérieur, l'UNSA Police a évoqué une reconnaissance indemnitaire des BRI dans le plan d'attractivité de l'investigation. Les décalages à répétition, les astreintes "sauvages" ont un réel impact sur la vie familiale et ne sont pas compensés. La doctrine d'emploi des BRI doit être clarifiée".
Des policiers de plusieurs BRI se sont rassemblés ce mercredi midi devant le siège de la DNPJ :
Manifestation des agents de la BRI devant le siège de la Police Judiciaire (PJ) de Nanterre.
En grève du zèle depuis le 14 avril, ils dénoncent un manque de reconnaissance et une prime promise depuis 10 ans. pic.twitter.com/Dpj87xffsu
— CLPRESS / Agence de presse (@CLPRESSFR) April 16, 2025
Voir cette publication sur Instagram