Le mercredi 15 mai 2024 à 12:21 - MAJ mercredi 15 mai 2024 à 13:24
Deux agents pénitentiaires ont été tués par balle ce mardi matin dans l'attaque de leur convoi, au péage d'Incarville (Eure), tandis que le détenu qu'ils transportaient, Mohamed Amra, s'est évadé à l'aide du commando lourdement armé. Arnaud Garcia et Fabrice Moello étaient âgés de 34 et 52 ans.
Arnaud Garcia, brigadier, travaillait dans l'administration pénitentiaire depuis novembre 2009, a indiqué la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, lors d'une conférence de presse ce mardi soir. Originaire du village de Blangy-le-Château (Calvados), il laisse derrière lui "une femme enceinte de cinq mois", a confié le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, quelques heures après le drame. Le couple devait connaître le sexe de son enfant la semaine prochaine.
Sur Facebook, l'un des amis d'Arnaud Garcia, Dorian Coge, qui est le maire de Blangy-le-Château, a laissé un mot touchant à son attention. "C'est avec une profonde douleur que j'ai le regret de vous annoncer le décès d'Arnaud Garcia", écrit-t-il. "Il est arrivé à l'âge de 10ans à l'école de Blangy, je peux en témoigner nous étions dans la même classe... Depuis son jeune âge, Arnaud était attiré par l'engagement auprès des forces de l'ordre, il détestait l'injustice et a choisi une carrière en centre pénitentiaire. Il a gravi les échelons au sein des centres pénitentiaires de Caen et Argentan". Dorian raconte qu'il a "grandi" avec Arnaud "dans un village paisible préservé de l'insécurité, où il fait bon vivre, et c'est ici qu'Arnaud avait choisi de vivre avec sa femme Mary, les jeunes mariés s'apprêtaient à accueillir leur bébé tant attendu... un nouveau petit castelblangeois !". Dorian fait aussi part de sa douleur : "Je ne peux me résoudre à ce que son rêve de vie paisible en famille à Blangy soit anéanti... Nous sommes tous dévastés par son départ, par la violence, l'injustice dont Arnaud a été la victime. Un village entier en deuil, une famille dévastée, un pays sous le choc, Arnaud, ce héros est parti, en exerçant le métier qu'il rêvait, cet uniforme qu'il portait fièrement l'a rendu vulnérable, sa foi en la justice et l'ordre a été mise à l'épreuve".
«Il a remplacé l’un de ses collègues au pied levé»
"Aujourd'hui en protégeant son pays, Arnaud a quitté la vie", pleure Dorian. "Adieu Arnaud, nous nous restons là, et nous entourons ta famille; Mary ta femme qui porte la vie, celle qui continue, l'avenir ! Tes parents Dominique et Annick nous les soutiendrons quand ça sera insoutenable... et nous sourirons avec eux quand les beaux jours reviendront... Soit en paix". Arnaud venait d'intégrer le pôle de rattachement des extractions judiciaires (PREJ) de Caen.
Son père, Dominique, interrogé par Le Parisien, est le maire adjoint de Blangy-le-Château depuis 2012. Il a appris la terrible nouvelle par Éric Dupond-Moretti, qui l'a appelé à la mi-journée mardi. "Je sais juste qu'Arnaud ne devait pas effectuer ce trajet et qu’il a remplacé l'un de ses collègues au pied levé", a-t-il confié à nos confrères, bouleversé. Ancien commandant de la brigade locale de gendarmerie, Dominique se pose de nombreuses questions sur ce qui s'est passé et si les règles de sécurité ont bien été respectées. "Il n’y a pas eu de hasard. Mon fils a été assassiné ! Ce guet-apens a été travaillé, préparé, prémédité", estime ce père.
Fabrice Moello était père de deux enfants
Fabrice Moello est le deuxième agent qui a été tué dans cette attaque qualifiée par la procureure de "déchaînement de violences". Capitaine, il était âgé de 52 ans. Fabrice était pacsé et père de jumeaux âgés de 21 ans. Ses enfants allaient fêter leur anniversaire dans quelques jours. Il travaillait dans l'administration pénitentiaire depuis 1996, a précisé la procureure de la République. Ses proches ne se sont pas exprimés dans les médias ou sur les réseaux sociaux, pour l'heure.
Un troisième agent a été grièvement blessé par balle au niveau de la tête durant cette violente attaque. Il est toujours hospitalisé dans un état grave. Le ministre de la Justice a indiqué en fin de journée ce mardi que son pronostic vital était toujours engagé. Deux autres fonctionnaires ont été blessés mais leurs jours ne sont pas en danger. Ils sont en état d'urgence relative, a précisé Laure Beccuau.
Un multirécidiviste mis en examen dans deux dossiers criminels
Les cinq agents constituaient cette escorte, chargée de transporter Mohamed Amra, surnommé "la Mouche", âgé de 30 ans, de sa cellule de prison d'Évreux, jusqu'au tribunal judiciaire de Rouen, où il a été questionné par un juge d'instruction dans le cadre d'un des deux dossiers dans lequel il a été mis en examen. Une affaire de tentative de meurtre survenue à Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). L'homme a déjà été condamné à treize reprises a souligné la procureure. Sa première condamnation date de 2009, alors qu'il était âgé de 15 ans. En outre, il avait été placé au niveau 3 de protection (sur 4, ndlr) par l'administration pénitentiaire "il y a quelques semaines", a indiqué Laure Beccuau, sans préciser le motif de ce rehaussement.
Des moyens «sans précédents» pour retrouver les malfaiteurs
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a assuré ce mercredi matin au micro de RTL que des moyens "sans précédents" ont été mis en place pour retrouver "non seulement la personne qui s’est évadée qui est un criminel, mais pour retrouver le gang qui l’a libéré dans des conditions ignobles". "Je peux vous dire que des moyens de police et de gendarmerie, mais aussi des moyens de coopération internationale et de police judiciaire sans précédents ont été mis en place à la demande du président de la République", a souligné le ministre. "Désormais, il y a énormément de traces judiciaires qui vont nous permettre de faire ce travail d’identification, et je l’espère, dans les jours qui viennent ré-interpeller cette personne dans ce fourgon, et évidemment le gang de meurtriers. C'est un gang extrêmement violent". Le déroulement de cette attaque reste à éclaircir, tout comme le mode opératoire et les moyens mis en œuvre par les malfaiteurs, munis de fusils d'assaut. Au total, les assaillants ont abandonné trois voitures : la Peugeot 5008 qui a servi a bloqué le fourgon de l'administration pénitentiaire dans lequel se trouvait le détenu, ainsi qu'une BMW et une Audi A5 retrouvées brûlées dans des communes voisines, peu après l'attaque. Des véhicules qui ont été passés au peigne fin par les techniciens de la police scientifique. La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) a annoncé se saisir de l'enquête. L'OCLCO (Office central de lutte contre la criminalité organisée) et la police judiciaire de Rouen ont été chargés des investigations.
Une minute de silence a été observée dans tous les établissements pénitentiaires à 11 heures ce mercredi.